Pour cette quatrième soirée débat, le 16 novembre 2009, Rencontres Citoyennes avait invité nos parlementaires (Anne Marie Escoffier pour le Sénat et Marie Lou Marcel pour l’Assemblée Nationale) à présenter le rôle et le fonctionnement de chaque assemblée.
Le Président, Christian Valayer accueille et remercie les participants, au nombre approximatif de 150.
Il remercie spécialement Anne Marie Escoffier, sénatrice et conseillère générale de Rignac, pour l’animation de cette soirée.
Il présente les excuses de Marie Lou Marcel empêchée. Quelques jours avant la réunion, Marie Lou Marcel s’est excusée de ne pouvoir participer. Une réunion des trois régions (Midi-Pyrénées, Auvergne et Languedoc Roussillon) a été programmée, à la même heure, à St Chély d’Aubrac pour la mise en place du parc régional « Aubrac ». La députée étant également Vice présidente de la région et chargée de l’environnement se devait absolument de participer à cette réunion, aux côtés de Martin Malvy.
Marie Lou Marcel propose donc d’animer une autre soirée sur l’Assemblée Nationale, à une date à définir avec l’association.
La soirée débat a donc été exclusivement centrée sur le Sénat. Toutefois, cette défection a, peut-être, permis un meilleur approfondissement du sujet et une plus large place laissée aux questions des participants.
Le Parlement.
En France, le parlement est composé de deux Chambres : l’Assemblée Nationale (571 députés) et le Sénat (343 sénateurs).
Leurs modes d’élection sont très différents.
Les députés sont élus par les citoyens, ils sont des élus du peuple, sur une liste uninominale et par circonscription (1 député par circonscription, soit 3 en Aveyron).
Les sénateurs sont élus par le collège des « grands électeurs » (les parlementaires, les conseillers généraux et régionaux, les maires et les représentants des conseillers municipaux au prorata de leur nombre). En cas de cumul des mandats (par exemple conseiller régional et député), une seule voix par personne est possible.
Note du rédacteur : lors des dernières élections sénatoriales (septembre 2008), les 4 représentants du conseil municipal de Rignac ont été choisis dans la majorité (les élus de l’opposition avaient demandé, en vain, un représentant).
Si les députés sont les représentants du peuple, les sénateurs sont les représentants du monde rural. Du fait qu’une grande majorité des « grands électeurs » (maires et représentants des conseils municipaux) sont issus du milieu rural, le Sénat est davantage porteur des spécificités rurales.
Autre particularité du Sénat : la plus grande représentation féminine (20% de sénatrices, contre 18% de députées). Nous restons cependant éloignés de la parité….
Du fait de son mode électoral, le Sénat compte aussi davantage de retraités, de professions libérales.
Le Sénat change d’image. Aujourd’hui, l’affirmation « aller à un pas de sénateurs », c'est-à-dire très lentement, n’est plus exacte. Tout au moins pas pour tous les sénateurs…
Un travail intense est demandé. Ensuite, chacun y souscrit ou non. Le sénateur qui veut travailler travaille.
Selon les Chambres, la composition des appartenances politiques varie.
A l’Assemblée Nationale, la majorité est clairement gouvernementale (U.M.P.).
Au Sénat, 6 groupes cohabitent : U.M.P. et P.S. à égalité mais non majoritaires et 4 groupes plus petits (Union centriste, Non inscrits, Rassemblement démocratique européen –auquel appartient Anne Marie Escoffier- et Communistes). Ces 4 groupes, par le biais des alliances selon les sujets, forment les majorités.
Des projets de réforme voulaient supprimer le Sénat, le jugeant inutile. Or, pour Anne Marie Escoffier, la présence de deux Chambres est garante de la République et de la Démocratie.
Le Sénat.
Le Sénat est hébergé au Palais du Luxembourg qui est une merveille architecturale. Il a hébergé Catherine de Médicis, c’est dire !
Toutefois, si l’hémicycle est sous les ors, les bureaux sont plus modestes.
Le Sénat a deux missions :
- égiférer,
- contrôler l’action du Gouvernement (mission octroyée par la réforme constitutionnelle).
Cette deuxième mission consiste à évaluer les actions mises en place par le Gouvernement après le vote des lois. Elle monopolise une semaine sur quatre.
Dans la mission de légiférer, deux types de lois sont présentés :
- celles proposées par le Gouvernement ou projets de lois,
- celles émanant de sénateurs ou propositions de lois.
La proposition de loi effectue plusieurs navettes. Elle passe d’abord en commission, puis en séance plénière. Tel que voté par le Sénat, le texte va à l’Assemblée Nationale. Si le texte est modifié (amendements très fréquents), il revient au Sénat. Si le Sénat l’adopte en l’état les navettes sont terminées. Sinon, le dernier texte modifié par le Sénat est soumis à une commission mixte (2 Assemblées) paritaire pour adopter le texte final. Les membres de cette commission sont désignés par les groupes, au prorata du nombre de membres.
Pour sa part, Anne Marie Escoffier a présenté une proposition de loi informatique pour la protection des jeunes.
Le projet de loi émis par le Gouvernement, passe d’abord en Conseil d’Etat. Ensuite, il est transmis soit à l’Assemblée Nationale (cas le plus fréquent), soit au Sénat. Tous les projets qui concernent les Collectivités territoriales arrivent d’abord au Sénat en 1ère lecture.
A partir de là, le texte effectue 4 navettes entre les Chambres pour parvenir à la mouture finale. En cas d’urgence, le nombre de navettes est réduit à 2. Il convient de noter qu’actuellement la notion d’urgence est souvent utilisée.
Combien de sénateurs siègent dans l’hémicycle ?
L’hémicycle n’est jamais complet ou bien à moitié vide. Cela ne signifie pas que les sénateurs absents ne travaillent pas.
Le jour de plus grande fréquentation est le jeudi (ou mercredi à l’Assemblée Nationale) pour les questions d’actualité. Compte tenu que la séance est télévisée, les parlementaires se livrent à une véritable foire d’empoigne pour démontrer leur activité. Toutefois, cette image donnée est contraire à la réalité habituelle : les débats sont nettement plus sereins et feutrés, y compris en cas de désaccord entre les groupes.
Le mardi matin sont également retransmises les questions orales au Gouvernement sur les affaires locales. Souvent, les ministres se font représenter par un secrétaire d’état, ignorant tout du dossier et donnant lecture de la réponse du Ministre. Ce procédé nuit à l’intérêt des questions orales.
Les débats sur les lois comptent en principe tous les sénateurs. Toutefois, souvent, ne participent que les sénateurs membres de la commission concernée par le texte discuté.
Les commissions sont au nombre de sept : affaires étrangères, économie, culture et éducation, affaires européennes, lois, finances, affaires sociales.
Deux commissions voient tous les textes : commissions des lois et des finances. Anne Marie Escoffier est membre, notamment, de la commission des lois.
Le temps de présence au Sénat doit donc être partagé entre l’hémicycle et les commissions. Donc, si les ¾ des sénateurs ne sont pas présents dans l’hémicycle, cela ne saurait signifier qu’ils ne travaillent pas.
Anne Marie Escoffier est généralement présente en Aveyron du vendredi matin au lundi soir et au Sénat du mardi matin au jeudi soir.
Les séances de nuit se terminent à minuit (reprise le lendemain à 9 h) ou bien à 3 h du matin (reprise à 11 h).
Les interventions sont à préparer sérieusement (pour bien gérer le temps accordé et l’argumentaire). Or, il est impossible de les préparer plusieurs jours auparavant sans connaître ce qui va être dit au cours des débats.
Le travail au Sénat présente donc une partie officielle visible et une partie de travail caché.
Le Sénat est géré par un Bureau composé de : un Président (M. Larcher), trois questeurs (des sages avec des domaines particuliers affectés) et dix secrétaires (tous sénateurs).
En outre, 1 000 personnes travaillent au Sénat, dont des administrateurs, des juristes, etc… Ces techniciens sont rattachés aux sénateurs et aux commissions.
Ce personnel est indispensable. Il n’est pas simple d’écrite des lois, tant en raison du vocabulaire très spécifique à utiliser que des incidences à bien mesurer y compris par rapport à d’autres textes.
Après cette présentation du rôle et du fonctionnement du Sénat, Anne Marie Escoffier a répondu aux questions des participants. Leur nombre à témoigné de l’intérêt porté à l’exposé.
Questions…
Quel est le rôle de la Cour des comptes ?
La Cour des Comptes vérifie le fonctionnement des instances de l’Etat. Elle fait un rapport. Toutefois, elle n’est pas un « bras armé » qui pourrait rectifier certaines errances. Il faut que le Gouvernement se saisisse des observations et les traite.
De même, la Cour Régionale des Comptes a le même rôle auprès des collectivités locales.
Comment sont effectués les votes ?
Au Sénat, les votes sont effectués avec des jetons de couleur (oui-non-abstention). Un sénateur peut voter pour des membres de son groupe politique. A lui de bien gérer les couleurs selon le souhait de chaque sénateur. En fin de vote les jetons sont pesés par couleur (1 gr = 1 jeton ou 1 voix).
A l’Assemblée Nationale, seuls les présents peuvent voter. Les votes sont électroniques.
Les votes se font également à main levée ou assis-debout s’ils sont moins importants.
La France doit-elle rester en Afghanistan ?
Un débat en contrôle du gouvernement a été demandé par le groupe socialiste sur l’opportunité de maintenir des troupes françaises en Afghanistan. Une mission se déplace pour entendre les parties.
Anne Marie Escoffier estime que le problème est très délicat et que toute position exige une très bonne connaissance du sujet. Elle pense qu’il faut humaniser ce secteur et que la France doit rester dans le cadre de l’Europe pour permettre la paix. Toutes les guerres sont économiques, celle-ci comme les précédentes.
Que sont les Groupes d’Amitié ?
Les Groupes d’Amitié du Sénat sont destinés à développer des partenariats avec divers pays, causes ou institutions. Ils apparaissent, le plus souvent, comme l’opportunité pour des sénateurs de se réunir dans divers pays.
Le Président Larcher a diminué le nombre de Groupes et le nombre de voyages.
Anne Marie Escoffier participe à deux Groupes : le Tour de France et la Grèce.
Le 49-3 est-il souvent utilisé pour le vote global d’un texte ?
Le 49-3 a été supprimé par la réforme de la Constitution. Cette procédure n’existe donc plus.
Toutefois, le règlement permet d’arrêter les obstructions consécutives à des avalanches d’amendements. En outre, les temps de parole sont strictement limités : 3’ pour soutenir un amendement et 5’ d’explication de vote.
Le réforme des Collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelles : quelles incidences pour les communes ?
L’Etat vient de se réformer avec les modifications constitutionnelles. Il convenait de poursuivre les réformes aux autres niveaux.
La commune demeure la cellule de base. Mais l’intercommunalité prendrait de l’importance pour développer les solidarités entre des ensembles de communes. Ces ensembles seraient plus étendus que ceux fonctionnant actuellement. Les Pays seraient supprimés au niveau des créations. Toutefois, ceux existant et fonctionnant positivement seraient maintenus avec la gestion des grands projets définis.
Le département gèrerait le secteur social et les routes départementales.
La région gèrerait le secteur économique, les grands schémas d’organisation et la formation.
Avec la décentralisation, on a eu l’impression qu’un millefeuille s’était constitué avec trop de strates, sans définition précise des rôles respectifs. Toutefois, cette superposition existe dans pratiquement tous les pays d’Europe.
Cette réforme devrait être débattue à compter de 2010.
Toutefois, d’ores et déjà, le Gouvernement (ou plutôt l’Elysée) a décidé un certain nombre de mesures qui ne seront pas discutables :
- la réforme des élus locaux : avec la réduction de leur nombre (économies) et la fusion des conseillers généraux et régionaux qui deviendraient territoriaux. ;
- une plus grande importance donnée aux régions (disparition à terme des départements ?) et aux intercommunalités,
- une meilleure définition des rôles respectifs de chaque instance;
- la suppression de la taxe professionnelle au 1er janvier 2010 (Loi de finances 2010).
Pour cette dernière mesure, il est certain que la taxe professionnelle est très critiquée depuis des années. Elle apparaît comme un frein à l’embauche.
Pour 2010, elle serait remplacée à l’€uro près (par quel nouvel impôt car le budget de l’Etat ne permet pas de la couvrir ?). Et pour les années suivantes ???
Sa suppression (ou sa réforme) aurait du être intégrée à la réforme des collectivités territoriales et non traitée séparément. Le Gouvernement a découpé cette réforme en quatre lois.
La taxe professionnelle est directement liée au fonctionnement des collectivités territoriales. Elle constitue une part souvent déterminante de leur budget.
On comprend donc l’inquiétude très vive des élus devant cette suppression.
La réforme des collectivités territoriales devrait être appliquée en 2014, avec l’élection des conseillers territoriaux. Tous les mandats des conseillers généraux et régionaux expireraient donc en 2014.
Pour l’Aveyron, le nombre de conseillers généraux passerait de 46 à 17. Ceci impliquerait un redécoupage des cantons avec des suppressions.
La fiscalité reste à débattre. Les collectivités devraient être autonomes.
Le cumul des deux instances (département et région) pour les conseillers territoriaux impliquera un temps complet de travail. Comment concilier cet engagement avec une activité professionnelle ?
Pour Anne Marie Escoffier, le cumul d’un mandat de conseiller territorial avec un mandat de maire de ville moyenne ou un mandat de parlementaire sera impossible.
Quelle équipe de travail pour Anne Marie Escoffier ?
L’équipe de travail se compose de 2,5 personnes : 1 personne pour sa permanence à Rodez qui gère les contacts avec les habitants du département et 1,5 personne à Paris.
Le département compte deux sénateurs. Mais les deux sont sénateurs de l’Aveyron. Il n’existe pas de territoire affecté comme pour les députés. En conséquence, Anne Marie Escoffier peut intervenir dans le sud Aveyron pendant qu’Alain Fauconnier est dans le nord Aveyron.
L’Etat est-il en faillite ? Jusqu’à quand pourra-t-il tenir ?
Les emprunts contractés aujourd’hui auront des répercutions sur trois générations. Nous engageons donc les générations futures avec nos déficits croissants.
Et cependant, des moyens sont à mettre en œuvre pour répondre aux besoins.
Pour 2010, le budget serait en augmentation de 2% maximum : bien peu pour assurer tout ce qui est à faire, comme l’humanisation des prisons, l’informatisation des collèges, l’environnement….
Jusqu’à quand la Commission de Bruxelles acceptera-t-elle la dérive déficitaire ?
Qu’est la réserve parlementaire ?
La réserve parlementaire est une masse d’argent donnée, en fin d’année, aux députés et sénateurs. Elle est destinée à être redistribuée dans les départements, en fonction de critères définis par chaque parlementaire.
Pour 2008, au niveau du Sénat, la réserve parlementaire individuelle s’est étalée de 4 millions d’€uros à 0 €. C’est dire l’énorme disparité de traitement entre sénateurs !
Quels sont les critères d’attribution par le Président du Sénat ?
En gros, la côte d’amour…Ensuite, le soutien des sénateurs (sous entendu de la majorité) qui devaient affronter une réélection.
Pour sa part, Anne Marie Escoffier a bénéficié de 80 000 € (Alain Fauconnier a reçu une somme inférieure).
Elle a sélectionné deux secteurs bénéficiaires : le handicap et la culture. Elle a divisé sa dotation en douze parts pour soutenir des projets dans ces deux secteurs.
Elle a rendu compte au préfet de l’utilisation de sa réserve parlementaire. Ce dernier lui a avoué qu’il recevait de tels comptes pour la première fois.
Pour 2009, une répartition plus égalitaire serait prévue.
Anne Marie Escoffier a déterminé trois secteurs : le handicap, la culture et l’exclusion. Ainsi, elle soutiendra pour 10 000 € l’ADOT 12 (don d’organes) qui organise son Congrès National à Rodez, en octobre 2010.
D’une façon générale, les subventions et dotations sont arrêtées sur des critères objectifs et précis. Le plus important est la qualité du dossier présenté.
Quelle position sur l’environnement et les énergies renouvelables ?
A la question posée par le Président de l’association Canopée, Anne Marie Escoffier répond que tout est dans l’équilibre. Ainsi, on ne peut qu’être favorables aux éoliennes et estimer que leur concentration sur le Lévézou est excessive. Elle attire l’attention sur le danger des opérations uniquement dictées par un but financier : les choix sont alors effectués sur des critères de rentabilité et non d’équilibre environnemental.
Que penser du projet de débat sur l’identité nationale ? Faut-il participer ?
Anne Marie Escoffier ne veut pas que le débat soit limité à l’immigration. L’identité nationale est la conscience d’appartenir à une nation.
Un participant : Louis Bras