Une bonne centaine de personnes s’étaient donné rendez vous ce 27 avril à l’Espace Culturel pour la soirée débat organisée par Rencontres Citoyennes. Preuve que le sujet proposé (La Résistance en Aveyron, le maquis Du Guesclin) a retenu l'attention de beaucoup de Rignacois, avec il est vrai l'apport d'auditeurs venus du ruthénois, du villefranchois, du Bassin.
Et cette conférence a fait l'unanimité par la qualité de l'intervenant qui a été longuement applaudi.
Professeur d'histoire retraité, co-auteur de plusieurs ouvrages sur la Résistance en Aveyron, Mr Henri Moizet connait le sujet sur le bout des doigts. De patientes recherches et une longue réflexion lui permettent de dominer, d'analyser, de rendre lisible cette période riche et complexe de notre histoire récente. Une ligne directrice conduira son exposé: la résistance en Aveyron, c'est une longue évolution, et la partie spectaculaire, les maquis, est l'aboutissement de cette évolution.
A la défaite de 1940, l’Aveyron, comme la France, adhère globalement à Pétain et à l'Etat Français. Dans ce département rural considéré comme réactionnaire et clérical, l'esprit est maréchaliste (et non collaborationniste). L'appel du 18 juin de De Gaulle ne sera entendu que d'un petit nombre. Le vote de pleins pouvoirs à Pétain ne verra qu’un seul vote contre en Aveyron : celui de Paul Ramadier, député de Decazeville. Pourtant à partir d’un petit nombre de militants politiques républicains, communistes, socialistes, radicaux, chrétiens, francs maçons, isolés, va se constituer un creuset, renforcé par l’arrivée d’Alsaciens Lorrains dès 1940, d’émigrés Espagnols fuyant le franquisme.
L’esprit de résistance prend corps, le régime s’inquiète. En 1941-42 des réseaux se constituent (OS, Combat, Front National de Résistance, Francs Tireurs, Libération). En 1942 il existe donc une base, des volontaires, pas de troupe organisée. Le travail de renseignement fonctionne dans deux directions: le réseau Alliance vers les Anglais, le réseau Gallia vers la France Libre, le BCRA. Des éléments vont consolider le mouvement :
-dans l'opinion publique, même inorganisée (dès 1940, Gest détourne du matériel.)
-dans le réseau instituteurs secrétaires de Mairie,( faux papiers)
-dans l’administration publique ( NPA : noyautage des Administrations publiques)
- dans l’armée (Organisation Résistance Armée)
-dans le groupe Résistance PTT (couverture géographique et contrôle du téléphone !).
Des ruptures vont accélérer le mouvement :
-les conséquences des rafles de Juifs (180 en Aveyron le 26 aout 1942). C’est une décision de Laval. On note des actes de sauvetage isolés mais aussi implication très positive d’Institutions Religieuses.
-la germanophobie qui, après l’occupation du territoire s’exprime par ces gestes d’hostilité (Merle marque publiquement son opposition à Millau)
-le STO, début 1943. –en cas de refus il y a trois solutions, l’embauche à la mine, l’adhésion à la milice (rares), et l’exploitation forestière( charbon de bois indispensable). Une autre solution est la fuite vers l’Espagne, l’AFN, l’Angleterre (35 départs entre mars et juillet 1943).
-repli des chantiers de jeunesse vers les zones loin des côtes. Des désertions alimentent des groupes de réfractaires.
Cette résistance s’appuie sur des points d’ancrage, des petits maquis refuge en mars 43, près de Villefranche, (Brandonnet, BirHakeim) , sur l’Aubrac, et près de Roquefort.
La vraie Résistance armée s’organise dans le cadre de l’Armée Secrète administrée sur Montpellier (MUR). La résistance communiste s’organise depuis Toulouse (Francs Tireurs Partisans).
Juillet 43 voit l’arrivée du Lieutenant Colonel Journet qui jouera un rôle essentiel dans l’organisation. A noter ici le rôle important à Rignac du Docteur Lachet.
On passe donc de la résistance politique à la résistance armée, actions d’intimidation, élimination de collaborateurs, sabotages. Cela entraîne une vive répression, des arrestations, par la police de Vichy ou la Gestapo de Fildman à Rodez.
A partir de 1944 les maquis refuge deviennent des maquis action.
-maquis Stalingrad à Moyrazès
-maquis Testor à Séverac
-maquis Antoine à Naucelle
-maquis d’Olt (Vittori) dans le Bassin
-maquis Rolland sur l’Aubrac
-maquis Jean Pierre dans l’Espalionnais
-maquis Du Guesclin à Regardet
Ce maquis Du Guesclin est exemplaire à plus d’un titre :
-Implantation à Regardet puis à Miejesole vers Prévinquières. Services implantés de Lunac ( parachutages), à Rieupeyroux (hôpital de campagne) à Rignac. (Le Gach, La Vaysse).
-Soutien actif de la population de Regardet et des environs (familles Issalys, Rivière etc )
-Recrutement massif : quelques dizaines en avril mai 1944, plusieurs centaines fin mai, 500 en juillet, 1487 recensés fin août (avec les structures de soutien).
-Remarquable par le commandement, avec des hommes comme Sylvain Diet. Structure marquée par l’arrivée de gendarmes, de sous officiers et d’un officier, Devillers, qui assurera le commandement.
-Remarquable par l’effort de formation des volontaires et surtout par l’organisation. Hygonnet, Kremer, Coustols organisent efficacement des services spécialisés : intendance (les réquisitions seront garanties), transport (au Gach), sanitaire (près de Rieupeyroux). On retrouve ici l’action du Dr Lachet.
-Des parachutages apportent des armes, des informations et du matériel (8 parachutages réussis sur 12 annoncés, dont un dans la région de Rignac) (nom de code " saucisson " ?).
Au plan départemental la Résistance s’organise en Zones. La zone Nord Aveyron est commandée par le colonel Journet, Devillers devient chef de zone Sud Aveyron. Le capitaine Robert assure la régulation des parachutages sur la région R3. Le basculement de certains éléments de la gendarmerie vers Du Guesclin est un apport important ainsi que le rapprochement avec les Guérilleros Salvador et le maquis d’Olt Vittori.
Le mouvement de résistance s’unifie.
Des actions militaires marquent le printemps et l’été 1944 :
-5mai : combat de Saint Felix à Rodez, 4 morts, un fusillé.
-21 juillet : combat des Albres avec le corps franc Albagnac.
-24 juillet combat de Fondiès
-24/25 juillet combat de Gelles
-1er Aout : combat de Viarouge.
-combats dans le Tarn.
L’objectif est de faire de l’Aveyron une nasse pour les troupes d’occupation. Blocage au Nord par le combat du Pont Rouge ( 26 juillet 44), sabotage du pont de La Cadène. Les Allemands ripostent par l’envoi d’une colonne punitive (expédition Wild) destinée à écraser le maquis.
-31 juillet combats de La Muraillasse près de Séverac.
-10-11 aout colonne arrêtée à Villecomtal.
- 17 Aout : avant de fuir c’est le massacre de Sainte Radegonde ; le 18 aout c’est la fuite de la colonne.
La poursuite et le harcèlement sont marqués par les nouveaux combats de Viarouge, du Bois du Four (massacres de civils par les Allemands)
-20 aout combat des Azinières.
-le dernier combat pour l’Aveyron aura lieu à La Pezade. La colonne fuit vers le Gard.
Les maquis seront ensuite " amalgamés " à Montpellier (constitués en troupes régulières) et poursuivront l’ennemi vers la Bourgogne (ou liaison sera faite avec les groupes de la région Toulouse) puis l’Alsace et l’Autriche.
Ainsi on est passé par trois phases de la Résistance :
-résistance de recrutement.
-résistance d’organisation.
-résistance militaire.
D’un engagement politique, républicain individuel, on parvient à cette phase spectaculaire des combats du maquis. Le maquis surtout actif à partir du printemps 44, apparaît donc bien comme l’aboutissement d’un long processus, d’un long travail, d’un long engagement.
Après ce remarquable exposé, des questions ont permis de resituer la Résistance en Aveyron comme étant un reflet de la Resistance du pays, (qui n’a pas été traitée ici). L’action de personnages " historiques ", simplement évoquée, n’a pas été développée dans le cadre strict de ce travail consacré à la résistance en, Aveyron (De Gaulle, Jean Moulin, Raymond et Lucie Aubrac etc ). D’autres questions permettront d’évoquer de grands résistants aveyronnais comme Georges Subervie dont l’imprimerie Rue de l’Embergue à Rodez tournait secrètement des nuits entières, dans un risque fou, pour imprimer journaux et tracts parachutés et diffusés sur la France Entière.
M Moizet évoquera le Préfet Dupeuch, compréhensif envers la Résistance et qui trouvera la mort en déportation. Ou le sous préfet Laborde de Millau qui soutiendra clairement le mouvement. Il évoquera aussi des personnages plus modestes, comme Moisset, qui, à la Préfecture, sera très performant avec le NAP).
Mais l’hommage est dû a tous ceux qui modestement ou avec éclat, célèbres ou anonymes, dans des rôles très divers, parfois discrets mais indispensables, ont participé à ce moment glorieux de notre histoire récente.
Le public, par de longs applaudissements, a remercié Mr Henri Moizet pour cette soirée qui restera un grand moment de la vie de Rencontres Citoyennes.
Le secrétaire JD
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